Le 15 mai 1987 et le 21 décembre 2003, la République Fédérale du Nigéria occupait militairement l'ile de Darak au lac Tchad et la presqu'ile de Bakassi. Cette occupation militaire lui a permis d'une part de transférer massivement ses populations dans ces zones très peu ou pas occupé par des camerounais et d'autre part d'y installer en plus des forces armées, des forces de police ainsi qu'une administration civile. Bien plus, la République Fédérale du Nigéria par un certain nombre de projets de développement sur ces zones, a entrepris de redessiner leur design social et territorial. Devant les contestations de la République du Cameroun, le 14 avril 1994 la République Fédérale du Nigéria va proclamer sa souveraineté historique sur ces portions territoriales acquises militairement. L'échec des négociations diplomatiques bilatérales et multilatérales va pousser la République du Cameroun à porter ce différend devant la Cour Internationale de Justice, le 06 juin 1994. Le 10 octobre 2002, le verdict de la Cour Internationale de Justice réaffirmait la souveraineté du Cameroun sur la presqu'ile de Bakassi et sur l'ile de Darak. Ce verdict ordonnait par ailleurs à la République Fédérale du Nigéria le retrait de son dispositif militaire, policier et administratif sur ces zones ainsi qu'un transfert sans conditions et sans délai de l'autorité étatique à la République du Cameroun. Dès lors, la République du Cameroun dans le but de recouvrer son autorité sur ces portions de son territoire national va y mettre sur pied un nombre important de projets hard et soft. L'analyse du processus de recouvrement de son autorité sur la presqu'ile de Bakassi et sur l'ile de Darak dans la perspective des politiques publiques permet en effet, de constater qu'il se construit entre logique de causation et logique d'effectuation. Si la logique de causation s'apparente à la démarche de l'ingénieur qui fait l'éloge de la planification, la logique d'effectuation elle, s'identifie à la démarche du bricoleur dont le vecteur essentiel est l'intelligence du tâtonnement. Dans cette perspective comme l'a si bien montré Claude Levy-Strauss, Dorra Yahioui ou encore Joroen Kraaijenbrink, ces deux logiques sont inséparables contrairement à la démarche de Saras Sarasvathy. Il en découle donc que les projets sur les territoires révèlent le réalisme de l'action publique territoriale c'est-à-dire le territoire tel qu'il est construit par les projets et non comme il devrait l'être. Dans une autre perspective, cette dialectique entre directivité et liberté sert de support essentiel à la créativité dans ce sens que la liberté induit une compétence adaptative et la directivité, un point de repère. C'est en effet ces deux perspectives que notre texte entend développer sur la base des enquêtes de terrain effectivement menées sur ces zones.
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