Dans le contexte montréalais, la planification urbaine, ce qui inclut la détermination des projets urbains, leur fonction, leur design et les besoins auxquels ils répondent, se réalise de plus en plus à travers des démarches participatives. Dans le cas montréalais, les Tables de quartier, qui animent la concertation intersectorielle, sont amenées à déterminer les enjeux pour le développement social du quartier, ce qui comprend la prise en charge des priorités et des questions émergentes qui préoccupent la population du quartier dans son ensemble ou un groupe social particulier. La question qui est posée est celle de comprendre comment les enjeux particuliers, que ce soient une situation microlocale ou un enjeu oublié, rejoignent les réseaux d'acteurs institués par la programmation institutionnelle et formalisés par des partenariats entre les différents secteurs et réseaux. Ainsi, autour d'un dossier singulier, un groupe d'acteurs forme ce que nous désignons comme un conciliabule dans le but de renouveler l'espace public de la concertation et, de la même façon, introduire un mode de participation inédit, fondé sur des interactions entre des personnes tenues aux limites des processus formels et informels de concertation. Pour définition, un conciliabule est un dossier initié par un petit nombre de personnes (autant des acteurs reconnus du réseau de concertation que des citoyens sans affiliation), circonscrit dans le temps et l'espace, formé sur une cible précise, menant à une diffusion large des enjeux qu'il induit (Roy, 2012).
Le conciliabule est une expérience de participation et d'action collective dont la portée imprévisible peut se limiter au réseau des acteurs de la concertation comme elle peut se projeter dans un espace public étendu, dont les médias, et soulever une participation hors des cadres partenariaux institués. Des personnes intéressées, des spécialistes patentés ou pas, d'experts informels se regroupent pour défendre un projet et le soumettre à la collectivité. Afin de saisir le caractère propre des pratiques conciliabulaires, nous avons suivi un cas récent dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, celui du projet de conversion de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus (TSNJ), dont la teneur tient à la fois du projet communautaire et social que du design d'un projet culturel, notamment par la mise en valeur de l'orgue Casavant jugé exceptionnel. Le projet de TSNJ est à la fois une expérience de participation à plusieurs scènes d'interaction et de communication, ainsi que la construction de l'objet même par l'élaboration du design de la conversion, de sa nature concrète (architecture et fonction de l'édifice) et de la structure de financement et de gestion. Le conciliabule se réunit autour d'un projet de centre de diffusion et de création appelé Place des orgues.
Notre contribution fait état d'une enquête auprès des acteurs engagés dans le projet de conversion et de sa diffusion dans le réseau de concertation du quartier. Trois objectifs sont poursuivis. Le premier est de comprendre les mécanismes par lesquels s'est formé le conciliabule, qu'il a évolué, et comment il est parvenu à influer sur les réseaux locaux à l'échelle du quartier. Le second est d'analyser les interactions et les transactions entre les acteurs autour du projet ainsi que les effets sur l'espace de concertation de concertation du quartier et la capacité de rejoindre un espace public élargi et par-delà de mobiliser la collectivité. Le troisième objectif consiste à engager une réflexion sur la construction croisée des théories de la participation et de la communication dans le champ de la planification urbaine, notamment de questionner les théories de planification en posant l'acteur et le conciliabule comme le fil conducteur de l'analyse.
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