Le projet s'impose dans les politiques d'aménagement et de développement territorial. Polysémique, ce terme renvoie depuis les années 1980, à la prospective et à la planification « souple », c'est à dire incitative avec des objectifs à moyen et long termes. Il s'agit alors de démarches initiées et mises en œuvre par des collectivités territoriales visant à définir une ambition, une vision politique, pour leur territoire. Elles s'appuient sur deux principes : la mobilisation d'acteurs multiples, aussi bien publics et privés et la mise en cohérence de leurs interventions sur le territoire concerné. Le projet porté par la collectivité se construit selon un processus rythmé par les phases de diagnostic, de réflexions collectives et de négociations entre acteurs. A terme, l'objectif est de formaliser une ambition et une identité territoriale spécifique et de définir concrètement des moyens (humains, techniques, financiers, etc.), des mesures (appel à projet, taux de subventionnements, etc.) et un programme d'action (phasage, temporalité, etc.). Au-delà des résultats, le déroulement du projet doit être étudié. En effet, lorsque sont comparés les objectifs initiaux d'un projet et sa concrétisation, il arrive bien souvent que des écarts soient constatés. Nous faisons l'hypothèse qu'ils naissent en partie de la dimension processuelle et collective du projet. La structure temporelle de ce dernier implique imprévisibilité et itération. L'association d'acteurs possédant des connaissances, objectifs et des visions du territoire hétérogènes complexifie le processus.
Afin d'analyser la dimension processuelle du projet, nous nous appuierons sur l'Économie turquoise, démarche mise en œuvre par la Conseil général des Côtes d'Armor. Définie comme l'alliance des économies maritimes (bleues) et terrestres (vertes), elle a pour objectif de promouvoir une diversification économique se basant sur une gestion intégrée de l'espace et des ressources maritimes et littorales. Nous analyserons la concrétisation de l'Économie turquoise, de la définition de ce concept à sa programmation. Bien qu'engagée depuis 2011, que des groupes de travail élargis aient été constitués, que la démarche dispose de son propre comité de pilotage et d'axes d'orientation ; l'Économie turquoise est toujours questionnée par les acteurs des Côtes d'Armor. La vision politique portée par le Conseil Général au travers de l'Économie turquoise semble partagée, mais les modalités de sa mise en œuvre ne le sont guère. Ainsi, l'absence de certains acteurs dans le processus engagé est jugée incohérente et les modalités de construction du programme d'action devant traduire cette vision peuvent être interrogées puisque ce dernier est décrit comme pauvre, peu ambitieux et discutable au regard de la vision portée. Par ailleurs, les acteurs dénoncent la faible prise en compte des préoccupations « du terrain ». Nous basons notre analyse sur une méthodologie alliant la réalisation d'entretiens semi directifs couplée à une analyse documentaire et l'observation des différentes réunions.
Bibliographie
AMBLARD et al., Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Éditions Seuil, 2005, 298 p.
BOUTINET, Jean-Pierre, Anthropologie du projet, PUF, 1990, 350 p.
- Autre