Les méthodes agiles : une alternative opérationnelle pour l'aménageur et le renouvellement de l'ingénierie de projet
Sébastien Larribe  1, *@  , Sabine Guitel  1, 2, *@  
1 : Cités, Territoires, Environnement et Sociétés  (CITERES)  -  Site web
CNRS : UMR7324, Université François Rabelais - Tours
33 allée Ferdinand de Lesseps BP 60449 37204 Tours cedex 3 -  France
2 : CAUE27
CAUE27
* : Auteur correspondant

Les racines historiques de l'ingénierie de projet plongent loin dans l'histoire si on entend par là la volonté de rationaliser et optimiser une activité dans le but de l'efficience organisationnelle, de la maximisation des bénéfices ou des délais de réalisation de produits, ou encore dans le but de minimisation des risques et la maîtrise des impondérables.
D'une part, il faut entendre « l'ingénierie » dans la nature même du but identifié, à savoir un principe d'optimisation sur une ou plusieurs dimensions d'une production ou d'un processus. D'autre part, « l'ingénierie » fera référence ici à la sophistication des outils de gestion ou de résolution de problèmes proposés, outils qui, « ingénieur » oblige, ont parfois une assise mathématique sophistiquée (diagrammes de Gant, PERT, CPM, PDM, AMDEC, matrice QFD...). Enfin, conséquence de cela sans doute, une « ingénierie » qui n'envisage les écarts entre les pratiques et la mise en œuvre des outils que comme des défaillances imputables à la composante humaine, donc faillible, d'une activité (l'outil est parfait, sa mise en œuvre est perfectible).
Cette approche cartésienne du projet n'est pas obsolète en soi, elle ne se prête simplement pas à toutes les situations. Et cela est moins dû au formalisme mathématique et aux outils de la recherche opérationnelle mobilisés qu'au fondement ontologique de cette approche qui pose la possibilité de réduire la part de complexité inhérente à cette activité (voire à toute activité humaine). Or, que cela relève d'une ingénierie renouvelée ou non, il est une approche plus récente du projet qui repose sur quelques autres postulats.
Dans la perspective des méthodes dites « agiles » apparues à la fin des années 1990, l'ambition est moins de réduire les dimensions impondérables de l'exercice que de trouver les moyens de les gérer. Ici, le succès du projet, qui demeure l'ambition ultime, sera davantage appréhendé par différents critères, quantifiables ou non, de la « satisfaction des clients », que par tout autre indicateur « objectivement mesurable ». Et là encore, il s'agit moins de rejeter tous les outils de « l'ingénierie classique » auxquels nous avons pu faire référence plus haut, que de les inscrire dans une perspective nouvelle qui consiste à les envisager non comme susceptibles de réduire la complexité mais comme permettant de la mettre en évidence afin d'y apporter des réponses ad'hoc.

L'argumentaire ci-dessus sera étayé pour le cas particulier des projets d'aménagement en considérant, sans davantage d'explicitation ici, leur nature fondamentalement complexe.
Nous proposons d'illustrer la première perspective qualifiée « d'ingénierie classique du projet » au moyen de la considérable production de l'AFNOR. Des premières publications relatives à la conduite de projet jusqu'à la conduite du changement, le pilotage par les risques, les délais ou les ressources, ou encore le pilotage par la qualité, la normalisation se pose précisément comme ambition la maîtrise de processus.
Toutefois, et cela illustrera le deuxième temps de notre argumentaire, aux dires même de cet acteur institutionnel et au fil de ses publications, la nature « complexe » du projet semble unanimement mise en avant, sans qu'il soit toujours fait explicitement état de ce que cela peut bien recouvrir. Malgré cela, cette nature « complexe » nous semble parfois ignorée, ou pour le moins minorée, dès lors que les pratiques sont envisagées dans une optique normative.
Au regard de ce paradoxe, nous montrerons comment les « méthodes agiles » s'avèrent une alternative opérationnelle pour l'aménageur. D'une certaine manière, il s'agit modestement de remettre à jour des observations que l'on peut dater des années 1970. Toutefois, nous montrerons que les concepts véhiculés par ces méthodes éclairent nouvellement un ensemble de situations et de pratiques. La question sera alors de savoir comment tirer parti de ce nouvel ancrage méthodologique. Une voie privilégiée dans notre réflexion et que nous proposons de mettre à discussion, est d'envisager de nouvelles possibilités de contractualisation des interventions des aménageurs qui, d'une certaine manière, sont aux antipodes des pratiques actuelles du « cahier des charges ».



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